Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

lundi 11 novembre 2013

Sur la neige j'écris ton nom gratuité


Le débat sur la gratuité traverse chaque parti du FdG à l'occasion des municipales. D'un côté les tenants d'une gratuité universelle et de l'autre les tenants d'une gratuité sous conditions de ressources. Plutôt que de redonner les arguments en faveur de la gratuité universelle dont Paul Ariès s'est fait l'avocat, plutôt que de reprendre ce que d'autres ont bien fait, plutôt que de répéter Louise la servante morte à vingt-quatre ans, rappelons quelques pages d'histoire. 

La gauche de naguère n'a pas attendu d'être au gouvernement pour lancer, notamment avec les municipalités, une foule d'initiatives concrètes, gratuites et ne tâtant pas le cul des poules pour voir s'il y avait un œuf potentiel à déduire de l'universalité. Les municipalités communistes de la banlieue rouge ont créé des « patronages » aujourd'hui centres aérés, des bibliothèques, des universités populaires, des maisons de quartier, des maisons des jeunes, des clubs des anciens, des clubs cinéma, etc. Enfin, bref, plein de services gratuits. Et gratuits pour tous.

Je t'ai raconté l'histoire du petit Nathan Korb, apatride né rue de Lappe à côté de la Bastille, à qui Louis Aragon a donné Francis Lemarque pour nom d'artiste. Va donc lire bien vite ici et reviens derechef. Dans son livre de souvenirs Nathan Korb — Francis Lemarque — raconte ses courses à pied organisées par la Fédération sportive du travail, organisation satellite du Parti communiste. Nathan est un bon coureur mais ses parents sont si pauvres… On lui prête même les godasses pour sa première compétition officielle ! Les communistes de l'époque ne triaient pas selon les moyens financiers et y'avait des copains beaucoup moins pauvres qui en possédaient plusieurs paires… 

On oublie aujourd'hui que les clubs sportifs ne s'adressaient naguère qu'à une clientèle friquée. Il reste pourtant encore de fortes traces de l'histoire passée avec le tennis à Roland Garros, l'équitation à Chantilly ou bien les clubs de golf un peu partout ! Qui nous rappellent qu'avant le congrès de Tours, le sport et le gazon, c'était seulement pour les rupins.

Si toutes les municipalités, de gauche comme de droite, mettent aujourd'hui gratuitement des équipements sportifs à la disposition de tous, c'est suite à l'exemple des municipalités communistes ou socialistes bien colorées qui — bien qu'animées par un dessein politique fort et une volonté de changement radical — ne rechignaient pas à commencer d'abord par satisfaire des besoins quotidiens de leurs citoyens. Sans faire de tri sélectif selon leur revenu imposable. Alors que, pourtant, un stade ou un gymnase, ça coûte bonbon.

Encore dans les années 60, les colonies de vacances de la banlieue rouge étaient à un prix symbolique qui les mettaient à portée de toutes les bourses. On y voyait aussi bien les enfants de cadres que les enfants d'ouvriers. La seule condition discriminante était d'habiter Bourg-la-Rouge pour bénéficier de la colo de Bourg-la-Rouge. Combien de gosses ont vu mer et montagne grâce aux colos ?

Hervé est un technicien du spectacle aujourd'hui en retraite. Il me raconte, des étoiles plein les yeux, que dans les années 70 il a bossé pour le Théâtre des Quartiers d'Ivry sous la direction d'Antoine Vitez. 

— On allait jouer dans tous les quartiers d'Ivry. Tous ! Fallait tout monter sur la place ou dans la rue barrée pour l'occasion. Y'avait tout le quartier qui venait — les gosses, les ouvriers en bleu, les mères de famille, les employées, les vieux — et on donnait des représentations pour mille personnes ou plus ! C'était vraiment la fête du quartier ! Et le lendemain ou deux jours plus tard on jouait cinq cents mètres plus loin et il y avait autant de monde. Ça faisait une « tournée » qui durait plusieurs semaines. Rien que dans Ivry ! Je ne sais pas combien d'habitants d'Ivry ont vu Molière, Racine ou Brecht avec Vitez mais le total ferait pâlir d'envie nos théâtreux d'aujourd'hui ! Et c'est pas parce que c'était gratuit que la qualité était médiocre. Fallait voir le boulot qu'on avait pour installer dans la rue une scène et des lumières exactement comme dans un beau théâtre parisien ! Où on n'aurait d'ailleurs même pas pu jouer vu que Vitez mettait le public tout autour de la scène... Et fallait voir la distribution qu'on avait ! Vitez choisissait des gens qui sont devenus des références dans le spectacle même si tous ne sont pas célèbres. 

Sais-tu ? Personne ne demandait de « pièces justificatives » humiliantes aux spectateurs. Tous, oui tous, venaient sans la honte au ventre. Sans le sentiment de mendier. Ou, devant une « grille tarifaire », sans le sentiment de payer pour les autres. Faudrait que la gauche d'aujourd'hui se souvienne de ce que faisait la gauche d'hier.

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Une photo gratuite, signée Des pas perdus, d'une œuvre que tu peux voir gratuitement dans la Tour Paris 13…

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Une chanson mise gratuitement à disposition (et c'est heureux entendu qu'on est bien en peine de trouver où l'acheter aujourd'hui). L'homme de Brive de Jean-Max Brua. 


1 commentaire:

  1. De nouveaux horizons inestimables qui s'ouvraient et qui ont fait rêver et donné de nouveaux possibles... Mais ça, c'était avant...



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Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !